Aux pieds du Palais National, un enfant de 7 ans

Aux pieds du Palais National, un enfant de 7 ans

Assis aux pieds du Palais National, un enfant de sept ans porte des haillons à travers lesquels on devine la fragilité de son corps marqué par les souffrances du manque. Son quotidien est fait de luttes silencieuses, où le besoin élémentaire de manger reste un rêve lointain, remplacé par l’odeur alléchante des bars qui bordent la place du Champ-de-Mars.

Chaque jour, cet enfant gagne sa vie à sa manière. Son  " étoile" n’est rien d’autre qu’un seau dans lequel il mélange de l’eau et des produits désinfectants, nettoyant les voitures qui passent. Derrière les vitres transparentes de ces véhicules, on voit d’autres enfants, eux, en route vers l’école, insouciants du sacrifice de ce petit garçon.

 Son repas, quand il y en a un, se compose souvent d’un plat simple, le « Chenjanbe », un aliment cuit sans épices et relevé à coups de condiments artificiels. Le soir venu, une dose de tafi apaise ses nerfs, comme un refuge face aux souvenirs amers des longues heures passées à travailler sans rien recevoir en retour, si ce n’est le regard dur de ses employeurs.

Un jour, alors qu’il nettoyait une Toyota Land Cruiser, ses yeux croisèrent une photo exposée sur le tableau de bord. Sur cette image, il reconnut son propre visage aux côtés d’autres enfants, capturés par une ONG, figés dans une vitrine de solidarité souvent médiatisée et financée. Pourtant, loin de ce tableau, lui n’avait rien reçu de ces promesses, resté invisible derrière l’image.

Ce moment de reconnaissance fut cruel. Le chauffeur, irrité, lança des insultes : « idiot », « vaurien », avant d’abattre une gifle sur ce petit corps déjà meurtri. Silencieux, l’enfant laissa couler ses larmes, la douleur de son existence mêlée à la douleur d’être réduit à une image, une vitrine vide de sens.

 Aux pieds du Palais National, cet enfant reste l’ombre oubliée d’un pays où la misère est montrée, encadrée, mais jamais vraiment combattue. Tandis que des ONG financées exposent des photos d’enfants, lui vit chaque jour l’injustice d’un système qui le sacrifie sans espoir.

Aujourd’hui, il est un des nombreux enfants qui, comme lui, subissent l’abandon au cœur même du pouvoir. Qui a vraiment le courage de regarder ces vies brisées en face ? Qui leur offrira plus qu’une image ?

John Sony Augustin